Le timbre du mois
Deux timbres représentant la carrière des Capucins dans le sous-sol de l’hôpital Cochin ont affranchi notre Lettre (371 janvier 2019 et 383 mars 2020). Ces timbres, comme celui de ce mois, sont de véritables œuvres d’art, réalisés à partir des aquarelles de notre amie Cécile Miller, secrétaire de la Seadacc.
Le gypse a été exploité à Triel-sur-Seine dès le Moyen Âge de manière artisanale, puis à partir du 18e siècle, de façon beaucoup plus intensive. Le gypse est un matériau tendre que l’eau désagrège vite. Ces carrières souterraines sont donc très instables. Les galeries s’effondrent, les fontis formant en surface de véritables cratères. Les belles voûtes que présente ce timbre maintiennent le ciel de la carrière. C’est l’un des rares endroits à peu près sains de cette cavité, par ailleurs labyrinthique.
Propos d’un ancien confiné
Le spéléologue niçois Michel Siffre a dirigé des expériences d’isolement en l’absence de tout repère temporel qui ont fourni des éléments de compréhension de l’horloge interne humaine. En 1962 son séjour de deux mois dans le gouffre du Scarasson, dans le massif du Marguareis à la frontière francoitalienne, le rendit célèbre dans bien des pays.
C’est ainsi qu’il devint le porte-parole de la spéléologie française, une notoriété qui a duré jusqu’à présent. Il y a quelques jours le journal 20 Minutes a interrogé Michel sur la comparaison entre notre confinement dans nos lieux d’habitation auquel nous sommes astreints depuis plusieurs semaines et les trois longues périodes d’isolement souterrain qu’il a connues, dans le sud des Alpes, puis à Midnight Cave au Texas en 1972 et enfin dans la grotte de Clamouse (Hérault) au passage dans le 21e siècle. Nous avons gardé quelques échanges de Michel avec le journaliste .
Quel parallèle faites-vous entre l’expérience de confinement actuelle et celles que vous avez vécues lors de vos expéditions scientifiques ?
« Il y a une différence fondamentale entre ce que l’on subit aujourd’hui et ce que j’ai subi. Dans mon cas c’était de ma propre initiative. Le confinement actuel est forcé, c’est comme quand on vous met en prison, vous perdez votre liberté. »
À partir de quand le confinement devient -il difficile à supporter ?
« Lors de mes six mois sous terre au Texas, j’ai craqué au bout de deux mois. Les quatre qui ont suivi ont été terribles. […] Pour ne pas flancher, il faut être dynamique intellectuellement. Même pendant les périodes de déprime, j’avais toujours mon cerveau en mouvement. »
Vos expériences ont permis de développer la chronobiologie humaine. Est-ce que la période actuelle de confinement peut avoir des conséquences sur notre rythme biologique ?
« Oui, bien sûr. Les possibilités de sommeil ne sont plus les mêmes. Une partie des gens ont peur. Ça peut vous empêcher de dormir, et dès que vous touchez au sommeil, vous influencez l’horloge biologique. Dans la vie normale, on a un rythme de 24 heures parce qu’on est rythmé par la société et le rythme jour/nuit. Dans mes expériences, on a montré que l’horloge interne de l’humain était toujours plus longue, allant de 24h30 à 25 heures. »
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Ce que le journaliste n’a pas mentionné, c’est que Michel Siffre a dirigé plusieurs expériences retentissantes avec d’autres sujets, hommes et femmes. Le Spéléo-club de Paris a, dès 1962, apporté son aide à Michel, avec la présence sur le terrain de Claude Chabert et Jacques Meunier, entre autres. Michel Siffre a été nommé membre d’honneur du club, et trois de nos membres ont été les sujets de longues expériences : Jean-Pierre Mairetet (six mois en 1966), Jacques Chabert, rédacteur et fondateur de ce bulletin de liaison, (4 mois et demi en 1968-69) et Véronique Borel-Le Guen (111 jours en 1988). À la vérité, les claustrations des uns et des unes ont été vécues avec des ressentis parfois très différents.
L’enseignement de la spéléologie en Croatie
Notre ami zagrébois Vlado Božić vient de nous envoyer un nouveau fascicule du Club alpin croate, sur l’historique de l’instruction spéléologique en Croatie. Évidemment l’accès des textes en serbo-croate n’est pas très aisé. Comme tous les manuels croates, un soin particulier est apporté aux illustrations. Nous présentons ici deux photos qui montrent les techniques aujourd’hui désuètes, mais qui ont été enseignées et pratiquées en spéléologie jusqu’au début des années 1970.
L’art et les chauves-souris
Le peintre Clovis Trouille (1889-1975), « grand maître du tout est permis », occupe une place particulière dans l’histoire de l’art du xxe siècle. Traumatisé par ses années passées durant la Première Guerre mondiale, il exprimera dans ses tableaux ses convictions antimilitaristes et anticléricales, ce qui lui vaudra le rejet de la bourgeoisie. Reconnu par Salvador Dali et André Breton, il sera un moment membre du mouvement surréaliste. On pourra se rendre compte sur Internet de la richesse de ses peintures, d’un érotisme souvent joyeux. Les chauves-souris apparaissent en nombre dans plusieurs de ses œuvres. Vers la fin de sa vie Clovis Trouille connut le succès avec son tableau dont le titre « Oh ! Calcutta ! Calcutta ! » (nous vous laissons le soin de deviner le jeu de mots) sera repris pour une comédie musicale créée à Broadway en 1969 dans laquelle, pour la première fois, des comédiens et comédiennes jouaient totalement nus devant le public.
Rédacteur : Jacques CHABERT
Avec l’aide précieuse de Jean TAISNE, Daniel et Jasmine TEYSSIER et la collaboration de Eynard DE CRÉCY, Gilles THOMAS, Mathilde RESSIER (site web), Louis RENOUARD