Un week-end volcanique dans le Puy-de-Dôme : la visite du Creux de Soucy

2 et 3 octobre 2021

Participants : Thomas D. (SCP), Audrey D. (SCP), Mabrouk H. (SCP), Sylvain G. (SCP), Philippe G. (SCP), Etienne T. (SCP), Cécile T. (SCP), Cynthia P. (initiation).

Descente et exploration du Creux de Soucy :
le gouffre, la superposition des couches de lave autour de la salle, son lac verdâtre d’une profondeur insondable…

Une balade géologique au Pied du Sancy

Notre gîte se trouve dans l’enceinte de la cité médiévale de Besse construite sur une ancienne coulée de lave à 1000 m d’altitude. Le décor est planté, nous visitons cette ville entourée de remparts ; un vent glacial s’engouffre à travers un dédale de ruelles étroites et sinueuses, et il faut bien se couvrir ! ce qui surprend, c’est la pierre volcanique utilisée pour ses rues pavées, ses belles demeures, son beffroi, son église et toutes les maisons intramuros. La ville fut d’un des fiefs des Médicis.

La journée du samedi est destinée à appréhender l’activité volcanique passée des versants sud et sud-est du Sancy. Des notions pédagogiques sont partagées avec toute l’équipe sur le terrain.

Au départ de notre randonnée, nous nous arrêtons à la source Sainte-Anne, une source ferrugineuse. Les bulles de gaz remontent à la surface ; l’eau ne bout pas, elle est froide. Dans une flaque d’eau le long du chemin, nous observons le même phénomène … la terre vit !

Dans le cirque glaciaire de Chaudefour :
(de gauche à droite) la Crête du Coq, la Dent de la Rancune, l’arche basaltique à mi-pente.

Les folies de la terre ont laissé dans le paysage d’insolites témoignages de son intense activité volcanique : D’impressionnants pitons rocheux – des dykes – sont des témoins d’éruptions passées. Ce sont des filons de lave solidifiés dégagées par l’érosion. Le brouillard donne une dimension fantastique à notre balade sur le terrain … les éléments se dévoilent progressivement au rythme de nos pas. Ainsi, la Dent de la Rancune est la première à sortir des nuages : impressionnante ! Peu à peu, nous voyons apparaître la Crête du Coq, un ancien dôme hérissé d’aiguilles, ainsi que les bordures arrondies d’anciens cônes

Nous grimpons jusqu’à la très belle cascade de la Biche à 1367 m d’altitude, d’où l’eau tombe de 30 m le long d’un magnifique rideau d’orgues de basalte. Formées par l’écoulement et le refroidissement rapide d’une lave compacte, elles forment des colonnades de basalte en forme de polygones à prismes réguliers.

S’ensuit sur le versant opposé une grosse grimpette hors sentier en forêt et dans les rochers vers une arche surprenante à flanc de falaise. Probablement formée par l’érosion éolienne, elle est composée orgues de basalte. C’est là toute son originalité ! De là-haut, la vue sur la dent de la Rancune et la vallée de Chaudefour est impressionnante !

Nous reprenons nos véhicules pour aller au Lac Pavin. Nous en faisons le tour à pied. Situé à une altitude de 1 197 m, le lac Pavin (du latin pavens, épouvantable), de forme presque parfaitement circulaire avec un diamètre de 800 m, a une profondeur incroyable de 92 m. C’est un maar : l’explosion qui l’a formé, il y a 6900 ans, fut très violente. C’est ici qu’eu lieu la dernière éruption volcanique en France.

On retrouve autour du lac des traces de cette éruption gigantesque, tels des bombes volcaniques et autres dépôts volcaniques largement recouverts par les mousses et la végétation. Les eaux profondes du lac ont été explorées : elles ont révélé une densité de plus de 10 millions de bactéries par millilitre d’eau (densité dix fois supérieure à celle des lacs standards).



Le lac Pavin se trouve au pied d’un autre volcan, le Puy de Montchal (1407 m), dont les éruptions effusives,antérieures de200 ans, ont déversé de grandes coulées de lave fluide. Celles-ci ne sont plus visibles, car la végétation et la forêt les a complètement recouvertes. C’est dans une de ces coulées que se trouve le Creux de Soucy. Nous nous engageons alors en voiture vers le sud en suivant une piste jusqu’au pied du Puy de Montcineyre, site intéressant pour observer des dépôts de lave et trouver des échantillons de différentes laves et scories.

De retour au gîte, Olivier, président du CDS63, nous rejoint pour partager la soirée avec nous. Au dîner, une spécialité d’Auvergne : Truffade. Olivier nous fait une présentation détaillée du Creux de Soucy, cavité que nous allons visiter le lendemain. Cela nous permet d’appréhender cette curiosité géologique unique et de connaître quelles éléments historiques, géologiques et scientifiques de cette cavité. Un grand merci à Olivier pour son intervention passionnante.

La descente spéléologique dans le Creux de Soucy

Le gouffre se situe à 1254 m d’altitude, au sud du lac Pavin, sur une ancienne coulée de lave du Puy de Montchal. La forêt et les mousses recouvrent la coulée. Une sorte de doline marque son entrée. Une structure en métal, installée par Martel en 1892, encadre l’entrée.




Dessin de l’entrée du Creux de Soucy réalisé par Martel

Après une nuit pluvieuse, une fenêtre météo nous permet d’équiper la cavité pour en faire son exploration. Nous utilisons les arbres de la doline pour installer nos cordes et nous amarrons celles-ci sur la structure en fer qui semble encore assez solide. Nous équipons en double. Nous nous trouvons « plein pot » au milieu de l’abîme d’une profondeur de 22 m. Sylvain descend avec un canot, moi, je le suis de près sur l’autre équipement. On passe rapidement sous la voûte et on débouche en haut d’une immense salle de 60 m de diamètre. Le fond de la cavité est occupé par un lac aux couleurs bleu turquoise.

Le Creux de Soucy (Soucy voulant dire puisard) a été exploré pour la 1ère fois par Martel en 1892. Il a levé une première description de la cavité et une coupe topographique bien qu’il n’ait pas atteint le fond à cause de la présence de gaz. Le fond a été atteint par Berboule, Gautier et Bruyant la même année.

Ce site exceptionnel est de nos jours toujours étudié par les scientifiques et les spéléologues, car il garde farouchement de nombreux mystères. Les questions sur son origine géologique et son fonctionnement hydrologique ne sont pas résolues.

C’est le seul gouffre d’Auvergne et sa particularité est qu’il soit basaltique. La cavité s’est formée au sein d’une coulée de lave, mais ce n’est ni le cratère d’un volcan, ni une bulle de gaz, ni un tunnel de lave. Il s’agirait sûrement d’un phénomène de fontis au regard des blocs contenus dans la salle comme nous pouvons l’observer en l’en faisant le tour. Mais cela suppose un vide initial … alors, comment se serait-il formé ? …



Toute l’équipe rejoint le fond du gouffre et nous en faisons son exploration en longeant les parois de la salle autour du lac ; les différentes strates que nous identifions, correspondent à l’accumulation des anciennes coulées de lave ; une state fine d’argile rouge cuite interpelle …

La salle est sombre et glaciale, 3,5°C. Un couloir de lumière provenant du trou d’accès éclaire le centre du Creux. Le lac offre de belles perspectives. Nous mettons notre bateau pneumatique à l’eau. Chacun fait un petit tour de bateau pour le fun.  

Sa température constante est de 1,8°C. Son niveau varie en fonction des saisons et de son alimentation. Le lac est extrêmement profond et c’est l’élément le plus énigmatique du Creux de Soucy. Il a été plongé jusqu’à -46 m mais le fond n’a pas été atteint … Les plongeurs décrivent une faille verticale coupé de gros blocs vers – 22 m sous la surface et une visibilité très réduite. Ils y ont effectué des prélèvements dont les analyses révèlent la présence de nombreuses bactéries, comme dans le lac Pavin. Les recherches actuelles ne permettent pas de savoir où va cette eau. Il ne sera probablement jamais replongé, car la faille est trop dangereuse.

Nous réalisons quelques photos d’ensemble de la cavité, mais c’est long et complexe, car il faut travailler en pose B et utiliser les flashes pour déboucher les ombres. J’ai besoin de la collaboration de tous, et je les remercie ; sans leur aide, il n’y aurait pas eu d’images ! Nous en profitons de nos installations pour réaliser des bouts de film pour la réalisation d’un petit documentaire.

Cliché réalisé en pose pour faire ressortir la lumière naturelle, avec compléments d’éclairage (spots et flashes).


Il ne fait pas chaud et il pleut beaucoup en surface … nous remontons rapidement grâce aux deux cordes installées.


Puis, plein de belles images dans la tête, nous traçons vers vos foyers que nous rejoignons à quelques centaines de kilomètres de l’Auvergne. 

Ainsi, descendre dans un gouffre basaltique est une expérience intéressante pour qui s’intéresse à la volcanologie ; ceux qui ont déjà exploré des tunnels de lave ou approché des volcans actifs auront ressenti à travers cette visite ce que peuvent être les forces de la Terre. Le Creux de Soucy, outre la beauté et la singularité des lieux, est une curiosité géologique de grand intérêt, qui dévoile une page d’histoire de la Terre tout en nourrissant un certain nombre de questionnements.

Compte-rendu : Philippe G  
Clichés : Philippe G. et Mabrouk H. avec l’assistance de toute l’équipe

Auteur de l’article : Mabrouk Haoues

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